Où se situe la ligne qui partage un design épuré d’une sursimplification?

Écrit  par   le 5 Juin 2005  dans Autre   

Depuis quelques mois, les clients sont de plus en plus sensibilisés à l’esthétique de style « épurée », du moins c’est ainsi qu’il la définissent souvent. Il m’est personnellement arrivé souvent, au cours des derniers mois, de voir des clients me demander de concevoir des pages légères, sans trop d’informations.

Étant plutôt partisan du « less is more », il s’agit généralement de bonnes nouvelles quand un client nous demande de ne pas surcharger ses pages. Le malheur, c’est que ces mêmes clients ont aussi souvent énormément de difficulté à prioriser leurs messages et leurs objectifs et refusent que certains éléments disparaissent de la page. Donc, on en veut plus, sans rien céder, mais on souhaite aussi qu’il semble y en avoir moins. Malheureusement, nous ne concevons que des sites web, pas des miracles…

Par conséquent, il convient d’expliquer au client deux chose:

  • D’abord, que la quantité d’information plaçée sur une page influence très peu son degré de compréhension. Ce qui affecte la perception des utilisateurs, c’est d’abord l’organisation de l’information. Prenez par exemple différentes pages d’accueil de sites web très fréquentés: CNN, CyberPresse ou encore le site du User Experience Network, site justement consacré aux professionnels en expérience utilisateur sur le web. La quantité d’information trouvée sur ces page est plutôt exhaustive. Et pourtant, l’information est transigée de manière efficace. Alors avant de conclure que « épuré=design efficace », attention. Il y a une grande différence entre les deux. Pensez plutôt structure que quantité!
  • Ensuite, il est très important de considérer qu’il est préférable de présenter beaucoup d’information structurée sur un même niveau, permettant ainsi à l’utilisateur de chercher d’un seul coup d’oeil ce qui l’intéresse, que de tenter de réduire l’information sur une page au minimum et d’ainsi forcer l’utilisateur à explorer le site de « haut en bas » pour trouver ce qu’il cherche. Par exemple, certains sites cherchent tellement à simplifier leur proposition initiale en réduisant les choix au minimum que les lecteurs du site doivent parier sur un choix douteux, visiter une page, constater que ce choix était mauvais et ensuite remonter à l’accueil pour recommencer l’opération. C’est sursimplification des interfaces n’est qu’une apparence de simplicité: en présentant peu de choix alors que dans les faits il en existe beaucoup, on favorise l’esthétisme « épuré » au lieu de l’utilisabilité. Si votre entreprise vend 2 produits à un seul marché, c’est bien. Si votre entreprise offre différents services à plusieurs marchés, la sursimplification des interfaces amènera les internautes à devoir naviguer plus longuement sur le site pour trouver ce qu’ils cherchent. Et s’il y a une chose que les internautes détestent, c’est perdre du temps. Vos concurrents profiteront de cette lacune et attireront chez eux plus de visiteurs satisfaits qui deviendront autant de clients perdus pour vous.

Bien que des recherches aient démontrées que le nombre d’étapes à franchir avant d’atteindre un but n’a pas de corrélation avec le taux d’abandon (tant et aussi longtemps que le système offre un feedback positif, un « signe de piste » qui rassurer l’utilisateur quant à la direction empruntée), il n’y a aucune raison d’imposer à l’internaute un parcours du combattant inutile. Les tests qui permettaient d’établir que le taux d’abandon n’était pas influencé par la durée de la navigation n’étaient pas effectués dans un environnement compétitif où l’internaute avait le choix d’aller ailleurs s’il ne trouvait pas rapidement. Ces tests avaient lieu sur un site unique et servaient à mettre à l’épreuve l’archaïque règle des « trois clics ». Ils ne doivent donc pas être utilisés comme caution à une navigation inutilement étirée.

Voyons la navigation sur le web comme un arbre de décisions. Chaque page visitée amène des choix, une « embranchement » parmi lequel l’internaute décide de suivre une voie. Si la page d’accueil lui offre deux seuls choix, puis la page suivante deux encore, et la suivante encore deux, l’internaute aura à franchir trois « embranchements » pour arriver à sa destination. En plus du délai, cela peut amener des doutes dans l’esprit de l’utilisateur. La direction empruntée est-elle la bonne? Arriverais-je enfin à l’information recherchée? Suis-je en train de perdre mon temps? Il est préférable de lui offrir 6 choix au départ, classés en trois catégories, que de lui offrir les choix de manière séquentielle.

Prenons comme exemple d’organisation du contenu les pages couverture des journaux de formats tabloïd qui contiennent généralement beaucoup d’information. L’exemple ci-dessus, soit la page couverture d’un Devoir du samedi comprend les introductions de 7 articles, un index des contenus, une entête comprenant la date, le prix, le titre et le numéro ainsi qu’une publicité. Le tout servi avec un mélange de photos et de textes comprenant parfois des fonds colorés dans des tons différents, chaque photo étant accompagnée d’un libellé et une référence à chaque page où situe la suite des articles étant plaçé sous chaque début de ceux-ci. Confus? Absolument pas! Les journaux ont acquis avec le temps et l’expérience une science de la composition des pages, surtout celles de couvertures, qui permettent de prioriser l’information selon les objectifs de communication et de l’organiser pour que le lecteur s’y retrouve facilement.

Bien qu’il soit utile et recommandé de placer sur une page UNIQUEMENT ce qui est nécessaire, il est encore plus important d’y placer TOUT ce qui est nécessaire. Au lieu de se concentrer sur la réduction du nombre d’éléments d’une page, nous devrions plutôt travailler sur la priorisation des éléments et une structure permettant de les grouper par thèmes, audiences ou objectifs. Les utilisateurs d’un site y gagneront ainsi du temps de navigation et les propriétaires de site web, des visiteurs satisfaits.FacebooktwitterlinkedinFacebooktwitterlinkedinby feather

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