SXSW : Pourquoi le design pour l’imprimé est le futur du Web.

Écrit  par   le 13 Mar 2011  dans Autre   

Titre intrigant pour la conférence offerte par Mike Kruzeniski, directeur artistique de l’unité responsable du Windows Phone chez Microsoft. Intrigant et aussi un peu provocateur, parce que le débat entre le design Web et imprimé est aussi profond et divisif dans notre industrie que celui entre l’inné et l’acquis en sciences humaines.

C’est donc à ce fossé apparemment infranchissable que Kruzeniski s’est attaqué avec brio. En résumé, sa thèse est simple : le Web gagne à s’inspirer de la somme d’apprentissages que les gens de l’imprimé ont laissés entre l’invention de l’imprimerie et les années ’50. Pour lui, c’est à partir de là que les choses se sont gâtées pour la qualité du design en tant qu’outil de communication. Mais il observe un retour au bon sens dont nous parlerons un peu plus loin.

Ceux qui ont vu et apprécié le film « Helvetica » seront à l’aise avec l’idée de base de Kruzeniski : selon lui, le style international (aussi appelé « Swiss style« ) fut l’aboutissement des apprentissages réalisés au cours des centaines d’années précédentes quant à l’efficacité du design communicationnel. Et les tendances du Web actuel reprennent aujourd’hui où la publicité traditionnelle a rompu avec ces apprentissages, quelque part au cours des années ’60.

Au cours de ces années, la contre-culture ambiante a amené à déconstruire (ou désapprendre) les codes acceptés, quelquefois pour le meilleur, d’autres fois pour le pire. Cette période exploratoire et expérimentale a permis d’extraordinaires avancées dans l’art, et un certain recul dans la capacité de communiquer efficacement via le design, qu’il soit informationnel ou publicitaire.

L’explosion de la publicité de masse à cette époque (Mad Men, ça vous dit quelque chose?) a amené de nombreuses personnes à se lancer dans l’aventure, et avec cet élargissement de l’intérêt pour la communication visuelle est venu un mélange des styles (ou de l’absence de style) parfois dénué de fondements. Bref, on a jeté le bébé avec l’eau du bain pour se donner l’impression d’innover.

Et pour Kruzeniski, ce bébé est la base de tout bon design communicationnel, qu’il soit imprimé ou interactif : l’utilisation rigoureuse d’un système de grilles (grids) et le respect de règles de base de la typographie. Ce sont là les fondations du Swiss Style (aussi appelé « Style international », dont la règle de base pourrait être « efficient is beautiful ».

Selon lui, les autres fondements du style suisse qu’on voit resurgir dans le Web actuel sont :

  • un retour à une certaine élégance par l’utilisation judicieuse des espaces vides et le retrait des éléments visuels superflus. Comme le disait St-Exupéry et plus tard, Tufte « Perfection is achieved, not when there is nothing left to add, but when there is nothing left to remove. »;
  • un accent mis sur la typographie et l’utilisation de grandes et belles images, en complément de la typographie et non en opposition à celle-ci. Comme il le disait lui-même, « Big, bold typography and beautiful photography ».

En bref, de grandes images porteuses d’émotions et des mots mis en valeur par une typographie bien utilisée, porteurs de sens.

Un exemple du Swiss style et des tendances publicitaires pré ’60 : Drink Coke. Period.

Tout repose donc sur le respect de règles simples, mais essentielles qui permettent de mettre le contenu en valeur : le choix (et le traitement) des bonnes images et des bons mots devient donc encore plus important et doit être considéré comme une part essentielle du design.

Est-ce que l’application de ces règles risque de provoquer une uniformisation du Web?

Probablement autant que l’utilisation de belles images et de mots justes a permis de nous offrir une multitude de livres différents et passionnants. Le danger n’est donc pas d’uniformiser ce qui fonctionne, mais de perdre de vue l’essentiel : le contenu.

Par les nombreux exemples de sites Web et de publicités imprimées magnifiques tirant profit de cette tendance, Mike Kruziniski nous a convaincus que cette tendance n’est pas une simple mode, mais plutôt un retour aux règles de base du design communicationnel, laissées de côté après plusieurs centaines d’années d’apprentissage. Le Web n’est qu’un support où se déclinent ces règles.

Les métaphores, toujours pertinentes?

Au-delà du sujet principal de la conférence, le conférencier nous a aussi entretenus de l’importance de privilégier la pertinence et l’utilisabilité des interactions plutôt que d’utiliser systématiquement des métaphores.

Il nous a ainsi parlé de l’utilité -temporaire- d’utiliser ces métaphores dans certains cas où l’utilisation de l’information est en transition : par exemple, la métaphore d’un livre où l’on tourne les pages, sur l’application iBook, permet de faciliter la transition entre le livre physique et le livre dématérialisé pour les utilisateurs qui sont à cheval entre les deux supports. Il prédit que ce type de métaphore disparaîtra quand les gens seront à l’aise avec le fait de ne plus percevoir les pages comme unités physiques du contenu, mais seulement comme un type de support parmi d’autres.

Il nous a aussi fait sourire en mentionnant l’obsession de certains clients à vouloir utiliser des icônes comme métaphores pour simplifier les interfaces. Malheureusement, ceux-ci finissent parfois par concevoir des images indéchiffrables ou très peu porteuses de sens pour les utilisateurs, alors que de simples mots clairs auraient très bien fait l’affaire.

En savoir plus

À propos du style international : Lessons from Swiss style graphic design.

Sur .net magazine : SXSW 2011: Microsoft’s WP7 creative director reveals print inspirationFacebooktwitterlinkedinFacebooktwitterlinkedinby feather

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